samedi 6 août 2011

L'amour 2.0

"J’aimerais résilier mon abonnement. Puis-je m’y prendre ainsi? Cordialement, 
E. Rothner." 
Lorsqu’on lit les premières lignes de Quand souffle le vent du Nord de Daniel Glattauer, on ne se doute aucunement dans quoi on s’embarquera, tout comme les deux protagonistes. Par ce simple et anodin courriel, Emma Rothner fera débouler quelques choses de plus grandes qu’elles, une rencontre qu’elle n’attendait pas, une expérience qu’on n’espérait plus. 

Lorsque Leo Leike recevra cette demande de résiliation dans sa boite courriel, lui aussi ne se doute pas de ce qu’il attend. De ce quiproquo banal naitra une relation épistolaire grandiose, remplie de curiosité, d’intrigue, d’intérêt et d’abus. Car rapidement cette relation deviendra tout sauf saine, rapidement nos deux comparses seront dépendant aux lignes de l’autre, ils vivront que pour ces instants de fin de soirée, assis pathétiquement devant leur écran d’ordinateur, dans l’attente interminable d’un nouveau courriel, d’une nouvelle ligne, d’un seul mot. 

Glattauer trace ici un portrait simple, mais tremblant de vérité de l’amour en 2011. Bien plus qu’une simple histoire d’amour, Quand souffle le vent du Nord relate l’impact inhérent des nouvelles technologies de l’information dans nos relations interpersonnelles, dans nos espaces sociaux. Quand est-il des rendez-vous galants, des soirées à la recherche de l’amour avec un grand A, des papillons de la première fois, des rouages du charme et des fameuses premières impressions à l’ère de l’amour 2.0? 

Ce bouquin porte une prémisse sympathique qui deviendra de plus en plus intense alors que leur relation viendra bousculer leur réalité, leur petit monde. Ce qui était au départ qu’une simple distraction deviendra rapidement un jeu dangereux, et même s’il s’en rendre compte, il leur semble impossible de s’en arrêter. La dernière ligne de Quand souffle le vent du Nord ne laissera personne indemne, pas même le lecteur. Et bien que certains seront satisfaits, plusieurs resteront sur leur faim, et c’est pourquoi Glattauer à écrit La septième vague, le roman que vient clore le diptyque de Leo et Emmi. Bien que parfois redondant, on est plus qu’heureux de retrouver ces courriels. Pour certains ce sera une vraie fin, alors que pour moi, ce n’était qu’un long épilogue. La septième vague est un bon bouquin, sans être nécessaire, le charme opère, mais n’innove pas. 

Le lecteur ne peut résister à la tentation et succombe rapidement aux courriels entre Emmi et Leo. Rapidement cette saine curiosité laisse place à un véritable voyeurisme, un besoin de savoir. On se retrouve exactement au même point qu’eux, essayant de décortiquer chaque mot, chaque phrase pour comprendre les sentiments qui se cache derrière chaque ligne. Bien plus qu’un roman d’amour, l’œuvre de Glattaeur se nourrit inlassablement de l’air du temps pour réinventer le genre. Et c’est pari réussi. 

dimanche 24 juillet 2011

Weber et la dette américaine


Il reste moins de deux semaines au gouvernement américain pour arriver à une entente. Ce qui est dommage c’est qu’il n’y aura pas d’entente cordiale, rien de révolutionnaire. Un moment comme la présente situation démontre bien l’impuissance du plus puissant des présidents dans son propre système politique, surtout après une défaite au mi-mandat. Bien qu’Obama voyait grand, une réduction astronomique de la dette contrebalancé par une hausse des taxes, un plan sur vingt ans, dans le but d’enrayer le fléau de la dette dans lequel les américains se sont enlisés depuis la deuxième moitié du XXe siècle; rien de tout cela ne peut arriver sans l’accord complet de ceux qui dirigent le congrès, les républicains. Des républicains qui auraient, en tant normal, été capable de s’entendre sur ce genre d’accord avec les démocrates, dans le but de tuer la crise et d’avoir de quoi se vanter lors des présidentielles de 2012.

Et pourtant. Le phénomène Tea Party n’était guère éphémère, comme on l’avait à peu près tous prédit. Cette droite braquée est en train de déchirer le GOP comme rarement l’a-t-on vu dans son histoire. Et c’est cette même droite braquée qui ne démord pas, aucune hausse des taxes ne doit être faites, sinon c’est dans l’abysse financier que nous plongerons tous. Avec de tels interlocuteurs qui font les sourds d’oreille, les démocrates ont frappé un mur et n’auront pas l’opportunité de remédier à ce problème criant qu’est la dette américaine.

En 1919, Max Weber donna des conférences sur les métiers de savant et de politique. Ces conférences sont désormais le cœur d’un ouvrage phare en science politique, soit Le Savant et le Politique de Max Weber. Avec une précision quasi chirurgicale, Weber parvient à cerner plusieurs aspects clés de l’éthique dans ces deux disciplines. Dans un des segments, il énonce clairement l’opposition entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. Lire le mince paragraphe que Weber écrivit en 1919 nous permet de mettre cette crise politique sous un angle différent, et de comprendre les oppositions viscérales qui séparent  les deux parties en présence. Si certains ce demande encore pourquoi Max Weber est un grand de ce monde, et bien c’est pour ça. Ses observations ne sont jamais trop vielles, ne sont jamais de l’ère du temps, elle traverse l’espace et le temps et décortique le politique comme peu ont été capables.

Une course contre la montre vient de débuter entre les deux parties pour parvenir à une entente avant l’ouverture des marchés lundi matin. Si au moins Weber pouvait se trouver à la table de négociation…

Les mots d'un autre

Je sais qu'elle m'a aimé mais qu'elle ne m'aimera jamais plus. Je n'en souffre pas. J'accepte son absence comme quelque chose d'irrémédiable. Je n'attends rien, je ne souhaite que de me retrouver seul sans son image floue. Je trouve cela long, si long qu'il m'arrive d'en désespérer. Alors, parfois, pour me rassurer et parce que je refuse de me battre inutilement contre ce qui me dépasse, je songe à ces buffles dans ces plaines africaines qui, lorsque l'orage s'abat sur la savane, se maintiennent solidement sur leurs quatre pattes, baissent la tête et attendent, immobiles, que cesse la pluie.

-David Thomas

La Patience des buffles sous la pluie
David Thomas
Le livre de poche
Préface de Jean-Paul Dubois
151 pages
11,95$

mercredi 13 juillet 2011

Un personnage fort sympathétique


Assis à une table près du port de Sydney, Maxwell Sim regarde des chinoises jouer aux cartes, une mère et sa fille. Il les envie. Il envie leur intimité, leur amour, leur joie, leur sérénité et leur plaisir. Il aimerait tellement les aborder, faire partie de ce moment. Quand il aura pris la décision de le faire, de s’y lancer, ce sera trop tard, il aura rater le bateau, encore une fois. Car c’est l’histoire de sa vie. Maxwell Sim est pathétique, dépressif, seul, trop vieux pour être jeune et trop jeune pour être vieux, divorcé, père manquant, un homme sans envergure, sans rêve, qui n’espère que le bonheur, qui semble si loin. À porter de tous, sauf pour lui.

La vie très privée de Mr Sim nous plonge dans cette existence médiocre qu’est la sienne, le tout, avec un pointe d’humour anglais à se torde de rire. De Sydney à en Angleterre, des pubs londoniens aux Shetlands en Écosse, Jonathan Coe met en scène une quête existentielle sans précédent pour son personnage, qui tentera de se retrouver dans cette cruelle modernité qu’est le XXIe siècle.



Dépressif et sans emploi, Mr Sim dénichera un petit contrat de vendeur de brosse à dent à son retour de Sydney. N’ayant rien d’autre à l’agenda l’homme solitaire entamera son périple sans trop d’ambition, mais plusieurs bifurcations et imprévus l’amèneront à remettre sa minable existence en perspective. Plus l’histoire avance, plus Maxwell Sim se vide le coeur dans l’oreille d’Emma, sa confidente. Elle est une nouvelle connaissance, une collègue de travail durant le contrat des brosses à dents. Jamais elle ne pose de question, jamais elle juge, Emma ne fait qu’écouter Maxwell, ce qui lui fait le plus grand bien. Quelque fois Emma s’échappe et glisse un “Dans 500 mètres, tournez à droite.” Et oui, notre Mr Sim s’éprendra pour la voix de son GPS.

Coe signe ici un roman léger, mais troublant d’exactitude. Dans ce calvaire qu’est la pathétique vie de Maxwell Sim, le lecteur se retrouvera, car on est tous, à moins grande échelle, un peu pathétique, un peu seul, un peu dépressif. Et c’est là la force de Jonathan Coe, dans un Road Novel réinventé, il met en scène certaines grandes questions existentielles. À travers un personnage qu’on ne peut qu’aimer, Coe nous explique comment passer à travers le XXIe siècle: en fermant les yeux, baissant la tête et fonçant droit devant. Un bouquin qui se lit sourire en coin d’un bout à l’autre, l’écriture de Coe est à la fois juste, mais surtout tordante. Lire le premier chapitre de se livre, c’est vous engagez à le terminer, tellement dès les premières pages on tombe rapidement en amour avec ce loser qu’est Mr Sim, car après tout, on l’est tous un peu.

lundi 11 juillet 2011

Si vous n'avez qu'un livre à lire cet été...

Il y a de ces bouquins qu’on ne peut simplement plus lâcher, ces moments où la littérature devient une drogue. On arrive le matin au bureau les yeux cernés, mort de fatigue, tel un junkie qui ne se rappelle pas de sa soirée. “Qu’as-tu fait hier soir pour avoir cette sale tête? J’ai lu.” Ces bouquins aux histoires enlevantes, au suspense haletant et à l’écriture juste, qui nous bouscule un quotidien jusqu’à ce qu’on tourne la dernière page, qu’on lise la dernière phrase. Jusqu’au moment où on referme le livre, satisfait de l’expérience, mais en deuil de tout ces personnages qu’on vient de quitter. Et bien le dernier livre de Justin Cronin, Le Passage, fait partie de ces bouquins là.

Ce roman est tout à la fois. Ses 960 pages renferment plus de 11 parties couvrant plus de 100 ans. L’action débute en 2010, alors qu’on test un virus sur des condamnés à mort qui ont donné leurs corps à la science. Une fois administré, l’homme n’est plus, la bête prend le dessus. Ces 10 condamnés à mort, sous le regard des hautes instances du FBI, deviendront, dans le fin fond d’une montagne du Colorado, des surhommes, puissant, intelligent, rapide. Ils s’abreuvent de sang et ne tolérant pas le soleil.

Quoi?

Non!

Pas un autre livre de vampire! N’ayez crainte, j’ai eu cette même réaction. J’ai même refermé le livre, me disant que ça allait être pour de bon. Pas un 1000 pages de vampires, on passe à un autre appel. Et pourtant. Un erreur monstrueuse aurais-je fait si, sous la pression de collègue de travail, je ne m’était pas replonger dans Le Passage de Justin Cronin. Car soudainement, tout chavire. Les 10 cobayes, s’échappent et le virus se propage. Le Colorado périra, et soudainement la côte Ouest américaine en entier et finalement, c’est l’Amérique complète qui succombera au virus, devenant ce No Man Land où ces bêtes errent sans cesse pour survivre.

On suit donc, 100 ans plus tard, une colonie de réfugiés, de résistants, située en Californie. Une centaine d’âme, tout au plus. Il n’ont pas connu autre monde que celui là, l’état de nature. On ne quitte pas l’enceinte, on ne marche pas à l’ombre et on attend. Qui? L’armée, bien sur. Viendra-t-elle? On en doute tous, bien sur. C’est aux portes de cette colonie que Amy arrivera. Elle semble avoir 10 ans, tout au plus, et pourtant. Elle a connu la modernité. Elle a connu l’apocalypse. Et pourtant.

C’est dans cet univers post-apocalyptique que Justin Cronin nous plonge, un Amérique qui n’est sans rappeler La Route de Cormac McCarty. Avec une narration incroyable, Cronin nous livre ici un roman immense, qui est le premier tome d’une trilogie qui, vous en avez ma parole, deviendra culte. Son style d’écriture est maîtrisé, subtile. Il sait nous livrer ses intrigues par morceaux alors que ses personnages sont humains et complets. Avec lui, on avance pas à pas, tranquillement, dans ce monde qui était jadis le nôtre. Un livre qui nous évoque Stephen King à son meilleur, qui est aussi épique qu’un bon Ken Follett et qui est du même sang que la série Walking Dead, Le Passage de Justin Cronin est unique en son genre et sans équivoque le must-read de l’été.

jeudi 7 avril 2011

Le Mauvais Western

Le Signal de Ron Carlson est une fiction racontant l’ultime randonnée d’un couple qui en est à ses derniers miles. Se découpant en 6 jours d’excursion, Carlson dévoilera au compte goutte le passé de son personnage principal, Mack, de son enfance à la rencontre de sa femme jusqu’à sa déchéance complète dans l’alcool et le crime. Cette dernière randonnée est à la fois une occasion de clore un chapitre de leur vie commune, mais aussi une occasion pour Mack de faire un coup d’argent pour sauver le ranch familial, le tout guidé par le simple signal de son Blackberry.

Bien que la prémisse laisse présager un drame mettant en scène plusieurs tensions insoutenables, c’est plutôt l'habilité qu’a Carlson de décrire ce Wyoming, qui vous transporte le roman durant... et rien d’autre. Car pour le suspense insoutenable, on repassera. La relation qu’entretien Mack avec son ex est intéressante, les tensions palpables, les souvenirs omniprésents.


" À l’aube, la voûte du ciel montagneux passa du gris au doré en une minute, comme un voile gonflé par le vent, et quand Mack leva la tête à l’instant où les premières flammes montaient du tas de petit bois qu’il avait disposé, un vertige lui voila les yeux comme un nuage. "



Mais Carlson trébuche lorsqu’on transige tranquillement de cet amour perdu vers un thriller mettant en vedette des bandits de bas niveau et des braconniers qu’on veut sans foi, ni loi. Dès cet instant, le roman bascule vers un mauvais western, et ce, jusqu’aux dernières pages. Les chasses à l’homme en forêt ne sont pas peu crédibles, mais peu senties. Pour ce genre de suspense, on lit beaucoup plus Cormac McCarthy (Blood Meridian, No Country for an Old Man). Les quelques scènes inquiétantes du récit sont rapidement oubliées lorsque l’auteur essaie mettre en scène une histoire peu éloquente de trafic de drogue, qu’on a lue cent fois.

Je m’attendais peut-être à trop, ou simplement pas à ça. Au final, j’ai découvert un Wyoming comme je ne l’avais jamais lu et ce fut grandement apprécié, mais ce bouquin se termine en queue de poisson et vous m’en voyez un peu déçu. Ceci dit la collection Nature Wrtiting des éditions Gaillmeister (Sukkwan Island) me surprend encore un fois en dénichant un auteur qui décrit l’état sauvage d’une verve plus que notable. Le Signal vous fera passer un bon moment en forêt avant de vous laisser sur votre faim.

Extrait:
" Ils gravirent l’escarpement sur près d’un kilomètre jusqu’à une plaine désertique entourée d’un cirque rocheux qui, comme tous les autres le long de la crête, aurait pu s’appeler le Trône. Le torrent souterrain glougloutait toujours sur la pierre, comme le bruit étouffé d’une conversation. Ils pouvaient apercevoir le glacier tout au fond de la plaine et, après qu’ils eurent monté encore quelques mètres, l’immensité bleue de Spearpoint Lake apparut comme un secret d’initié, comme s’il avait essayé de se cacher. Le monde entier désormais n’était plus que ciel, roche et eau. "


vendredi 1 avril 2011

Rigueur, rigueur, rigueur


“ Mon oreille vient de percevoir une nouvelle voix d’écrivain chez Mélanie Vincelette. C’est une chose si rare que j’ai envie de danser ”
                                                                           — Dany Laferrière

J’ai entretenu une relation amour-haine avec le petit dernier de Mélanie Vincelette. Je m’attendais peut-être à trop, peut-être parce qu’elle est éditée chez Robert Laffont, peut-être à cause de la critique de Laferrière, ou peut-être pas. Polynie nous expédie rapidement et efficacement sur l’île de Baffin dans le cercle polaire canadien. On suivra Ambroise, un cuisinier pour un camp de miniers, éperdument amoureux de Marcelline la glaciologue. Le frère d’Ambroise, Rosaire, meurt et personne ne s’explique pourquoi. C’est dans cette atmosphère que Vincelette suivra le deuil d’Ambroise, ses palpitations amoureuses et sa quête de vérité quant à la mort de son frère. Sans oublier une étrange carte qui circule dans la famille d’Ambroise et de Rosaire, affirmant que les Chinois ont découvert l’Amérique.

"Empesée par le deuil, l’âme humaine prend parfois les détours les plus lumineux pour se protéger des faits qui assomment."

Ce roman sent le poisson, entre deux pages Vincelette en profite toujours pour parsemer ses péripéties de recettes inuits à base de poisson qui m’étaient jusqu’à maintenant inconnu. Sympathiques au départ, ces incursions littéraires deviennent rapidement vides. L’histoire est intéressante et surtout dépaysante et c’est là la force du roman. Elle nous transporte dans un décor qui nous est tout sauf familier et on y plonge avec plaisir. Mais la grande faiblesse du roman est sans équivoque l’écriture qui m’a parfois agacé à un point tel que j’ai failli abandonner le roman. Répétition des mêmes termes dans le même chapitre (Le Cercle polaire, Brice de Saxe Majolique) ou encore une accumulation maladroite de comparaisons qui finissent par être ridicules, comme dans l’extrait suivant :



"J’avais l’âme sur les lèvres. Ma relation avec mon frère était forte, notre lien, inaltérable. Sans Rosaire mon existence n’avait plus de forme. C’était comme si je venais de passer la nuit dehors, complètement nu. J’étais en hypothermie. Ma température avait baissé de deux degrés, j’avais la chair de poule, tous les poils de mon corps se sont redressés pour créer une barrière isolante supplémentaire. Je respirais difficilement, comme si mes poumons étaient d’acier. J’avais perdu toute sensation dans mes mains, et mon couteau à fileter a ricoché sur ma botte. Je me suis évanoui comme une jeune actrice le soir de la première, et mon 1,95 mètre est resté immobile sur le sol."

Sans oublier les phrases qui selon moi ne faisaient aucun sens, que je pense à un chant de gorge murmuré : « Un chant de gorge inuit comme un requiem murmuré par des enfants est monté en moi. » ou d’autre qui marquait encore des répétitions maladroites : « Le fil ténu de la confiance est vraiment mince. » Ou les quelques fois où elle prend ses précieux mots pour nous expliquer qu’est-ce que vision mondiale, je déteste quand un auteur sous-estime son lecteur. Des phrases trop souvent saccadées, courtes et simples. Un roman qui par moment, éprouve un manque criant de rythme, tant dans l’histoire que dans le style.


Au final, Polynie m’a tout de même fait vivre un voyage intéressant avec des personnages complets, quelquefois à la limite du caricatural (je pense à Tommy le pilote de brousse qui me faisait penser au lamentable Jack dans Chercher le vent de Guillaume Vigneault). Si le pari de Vincelette était de nous faire découvrir un bout de pays (le Nunavut) et une culture (inuit) qui nous échappe trop souvent, et bien, c’est réussi. Pour ce qui est du grand roman littéraire, on repassera. J’aurai aimé pouvoir plus m’abandonner à l’histoire, mais l’écriture m’en empêchait. Le gros bémol est définitivement le manque de constance, parce que quelquefois ses mots me transportaient, alors que d’autres fois, c’était agaçant. Pour les bonnes ou les mauvaises raisons, je crois toutefois que la lecture vaut la peine, mais pas besoin d’accourir en librairie. Un bon roman, sans plus.

Extrait:
"Une polynie est un trou éternel dans la glace. Une source de vie et de nourriture inespérée dans l'hiver polaire. L'ouverture est entretenue par les vents et courants, mais aussi les baleines, qui doivent remonter à la surface toutes les vingt minutes pour respirer. Elles empêchent la glace de se refermer. Les ours polaires viennent pêcher dans ses eaux fertiles au plus noir de l'hiver. À la fin de la saison froide, la peau épaisse des bélugas est entaillée par leurs coups de griffes répétés. "

mercredi 30 mars 2011

Le Fils


Le Goncourt du premier roman 2011 n’aura pas été volé. L’autofiction de Michel Rostain sur le deuil de son fils est d’une puissance ludique et innocente, qui est non sans rappeler Où on va papa? de Jean-Louis Fournier. Rostain a perdu son fils en 2003 lorsque ce dernier fut frappé par une méningite fulminante, du jour au lendemain un père redevient simple mari.

"Un père qui hérite de son fils, ce sont des enchainements de mots inconcevables. Désordres du temps."

Le Fils de Rostain ne réinvente pas la littérature, mais évoque les jours, les semaines et les mois suivants la mort d’un proche, qui nos transporte dans des endroits d’une profondeur inconnue de l’âme humaine. Cette petite plaquette de 173 pages se divise en six chapitres qui relatent des épisodes à moyen et long terme du deuil que parcourra Rostain.

"Seuls ceux qui ont perdu un enfant peuvent déguster pleinement la douleur du chemin de croix qu’on suivait jadis dans les églises."



Relatant d’abord les derniers moments avec son fils et l’incroyable scénario que fut cette mort expéditive, le lecteur vivra aussi des moments essentiels, mais qui paraissent d’un ridicule comme l’achat d’un cercueil ou encore les préparatifs pour la cérémonie, alors que la dernière partie du roman est consacrée à plusieurs coïncidences qu’on a peine à croire ayant comme fil conducteur un périple en Islande sur le sommet du désormais célèbre Eyjafjallajökull. L’une des forces du roman est sans équivoque le narrateur du récit, car le lecteur suivra le défunt qui relate le deuil de ses parents, plus pertinemment son père.

"Syllogisme : Papa pleure chaque fois qu’il pense à moi. Papa n’est heureux que lorsqu’il pense à moi. Papa est donc heureux chaque fois qu’il pleure."

Au final, Le Fils est ce que j’appelle une tablette efficace. Vous savez ce genre de roman qui à l’intérieur de quelques pages vous fait vivre une montagne russe d’émotions, tant chaque mot et chaque phrase sont essentiels au récit. Un témoignage empreint de peine, de joie, d’espoir et surtout de talent. Rostain signe ici un premier roman qui, on l’espère, fera suite à d’autres œuvres de grand calibre.


Extrait : 
"Si vous me demandez comment je vais comment pourrais-je vous répondre? Si je disais que je ne vais pas bien, ce serait lancer un appel au secours. Donc, je ne vais pas mal, je ne suis pas faible, non je ne suis pas incapable de travailler. Mais je vous dois la vérité, je ne peux pas dire que je vais bien : ça ne va pas bien du tout. C’est donc à la fois plus simple et pire. Je ne vais pas mal et je ne vais pas bien. Une autre fois j’essaierai de vous parler de ce deuil plus complètement. Pas aujourd’hui.
Lundi dernier, quand il a repris le travail, papa à parler en ces mots à l’équipe du théâtre."

Le Fils de Michel Rostain, Oh! Éditions, 173 pages.

lundi 28 mars 2011

Précis économique sur la hausse des frais de scolarité


Dans le milieu étudiant duquel je suis issu, il n’y a pas de sujets plus chauds que celui de la hausse des frais de scolarité. Les associations décrient avec véhémence ce genre d’action gouvernementale, réduisant le nombre de places universitaires pour les moins bien nantis et pavant d’or le parcours académique des « gosses de riche ». Je dois vous avouer, je n’ai pas vraiment sauté de joie quand j’ai vu l’annonce de cette hausse. Honnêtement, qui aime payer plus d’impôts et de taxes? Mais d’un autre côté, je comprends la nécessité d’une telle hausse, ce besoin d’argent était criant au Québec, et ce, depuis un bout de temps.
Dans un premier temps, la bride argumentaire qui suivra n’entrera pas dans les théories du complot qui dictent trop souvent les mouvements de manifestation estudiantine, celles qui veulent que les universités ont les coffres pleins, dépensant à gauche et à droite et fournissant des parachutes dorés à toute l’administration, payant des vacances à Cuba aux concierges et madame de la cafétéria. Je vous concède qu’il y a perte d’argent dans la bureaucratie universitaire, comme il y a perte d’argent dans les administrations gouvernementale, comme il y a perte d’argent à peu près partout. Faites avec, le débat n’est pas là.
Le petit graphique que je vous ai concocté énonce facilement et clairement le problème universitaire au Québec. Un petit rappel économique pour tout ceux dont un graphique d’offre et de la demande ne serait pas familier. Sur l’ordonnée (axe vertical), vous avez les prix que peut couter une année universitaire en droits de scolarité, et vous avez l’abscisse (axe horizontal) qui représente le nombre d’étudiants dans les universités québécoises. La droite D représente la demande, c’est-à-dire le nombre d’étudiants qui veut aller à l’université. Cette droite est sans aucun doute décroissante, car plus les frais de scolarité sont bas, plus d’étudiants voudront aller à l’université. Le contraire est aussi vrai, plus les frais de scolarité augmentent, mois d’étudiant iront sur le marché universitaire québécois.

La droite O représente l’offre de place dans les universités québécoises. Plus les frais de scolarité augmentent, plus les universités peuvent accueillir d’étudiants, la droite est donc croissante. Les chiffres qui suivent sont fictifs. Sans l’intervention gouvernementale, disons qu’une année universitaire couterait 8000 $ et qu’à ce prix 5000 étudiants fréquenteraient les universités et obtiendraient un diplôme. Le marché de l’emploi pourra, à la fin des études de ces étudiants, assimiler cette nouvelle main-d'œuvre.
Maintenant, la droite O+S représente l’offre des universités québécoises avec l’aide gouvernementale. Grâce à cette aide, les universités peuvent offrir 20 000 places au prix de 2500 $. C’est ce qui est actuellement le cas au Québec. Le problème c’est que le marché de l’emploi ne peut accueillir 20 000 nouveaux diplômés chaque année, c’est beaucoup trop, il y aura donc saturation du marché. Au final, plusieurs diplômés se trouveront des emplois dans lesquels leur diplôme ne sera d’aucune utilité, tandis que d’autres ne trouveront simplement aucun emploi. C’est donc dire qu’au final, l’argent investi par le gouvernement dans l’éducation financera au bout du compte, son propre chômage structurel. C’est ce qu’on appelle une perte économique et sociale.
La hausse des frais de scolarité orchestrée par le gouvernement Charest vise donc une réduction de l’offre (déplacement vers la gauche de la droite O+S) pour assurer une meilleure éducation dans les établissements universitaires québécois tout en s’assurant que chaque diplômé puisse se trouver un emploi. La société québécoise, particulièrement les jeunes, vivent dans l’illusion que l’université est l’aboutissement naturel et normal d’un parcours académique alors qu’il n’en est rien. L’université est une institution d’éducation supérieure, pour former des gens qui occuperont des emplois indispensables au fonctionnement d’une société. Des enseignants, des médecins, des avocats, des économistes, des ingénieurs et d’autres. Ces emplois nécessitent les meilleurs effectifs de la société et seront, au final, récompensés par de bons salaires. Ceci dit, plus une université diplôme d’étudiants, moins le diplôme en soi vaut quelque chose et on observe une chute des salaires. Et si les salaires sont bas, personne ne voudra occuper ces postes qui demandent un sacrifice humain, et iront exercer ailleurs, ou simplement changeront de branche. Un tel exode des cerveaux résultant d’une mauvaise allocation des ressources de la part du gouvernement est néfaste pour une société et s’en suit une perte sociale imminente.
C’est donc pourquoi je crois que la hausse des frais de scolarité est une bonne chose à long terme pour le bienêtre de la société québécoise. Et même si le gouvernement Charest à plus de torts que la majorité de nos dernières administrations, je dois saluer l’audace dont il a fait preuve en allant de l’avant avec une telle mesure. Il sait très bien qu’il ne se fera pas élire aux prochaines élections, je crois même honnêtement qu’il ne se représentera pas, et il a donc effectué un geste impopulaire politiquement, mais qui était vitale pour le bon fonctionnement et l’avenir du Québec. Trop souvent le marché politique et le marché économique sont diamétralement opposés. Peut-être que d’ici une quinzaine d’années je ne serais pas le seul à saluer un tel geste.

dimanche 27 mars 2011

Le printemps revient, mon Blog aussi!

Petite entrée rapide pour vous annoncer que je vais remettre ce Blog sur la map! Effectivement, voilà un bon bout que je n’y ai rien écrit, mais je vous réserve plusieurs bons billets pour les semaines à venir. Avec la campagne électorale qui vient de se déclencher, l’intervention de la coalition internationale en Lybie, le printemps arabe et plusieurs bons bouquins qui sont sur ma table de chevet, je crois que c’est le temps comme jamais de faire revivre ce Blog. J’espère que vous serez au rendez-vous en grand nombre! J’ai déjà quelques billets d’écrit qui devrait être publié dès le début de la semaine. Je vous annonce en primeur que dès demain, je vais traiter de la hausse des frais de scolarité. Cœur sensible s’abstenir! Au plaisir!