lundi 28 mars 2011

Précis économique sur la hausse des frais de scolarité


Dans le milieu étudiant duquel je suis issu, il n’y a pas de sujets plus chauds que celui de la hausse des frais de scolarité. Les associations décrient avec véhémence ce genre d’action gouvernementale, réduisant le nombre de places universitaires pour les moins bien nantis et pavant d’or le parcours académique des « gosses de riche ». Je dois vous avouer, je n’ai pas vraiment sauté de joie quand j’ai vu l’annonce de cette hausse. Honnêtement, qui aime payer plus d’impôts et de taxes? Mais d’un autre côté, je comprends la nécessité d’une telle hausse, ce besoin d’argent était criant au Québec, et ce, depuis un bout de temps.
Dans un premier temps, la bride argumentaire qui suivra n’entrera pas dans les théories du complot qui dictent trop souvent les mouvements de manifestation estudiantine, celles qui veulent que les universités ont les coffres pleins, dépensant à gauche et à droite et fournissant des parachutes dorés à toute l’administration, payant des vacances à Cuba aux concierges et madame de la cafétéria. Je vous concède qu’il y a perte d’argent dans la bureaucratie universitaire, comme il y a perte d’argent dans les administrations gouvernementale, comme il y a perte d’argent à peu près partout. Faites avec, le débat n’est pas là.
Le petit graphique que je vous ai concocté énonce facilement et clairement le problème universitaire au Québec. Un petit rappel économique pour tout ceux dont un graphique d’offre et de la demande ne serait pas familier. Sur l’ordonnée (axe vertical), vous avez les prix que peut couter une année universitaire en droits de scolarité, et vous avez l’abscisse (axe horizontal) qui représente le nombre d’étudiants dans les universités québécoises. La droite D représente la demande, c’est-à-dire le nombre d’étudiants qui veut aller à l’université. Cette droite est sans aucun doute décroissante, car plus les frais de scolarité sont bas, plus d’étudiants voudront aller à l’université. Le contraire est aussi vrai, plus les frais de scolarité augmentent, mois d’étudiant iront sur le marché universitaire québécois.

La droite O représente l’offre de place dans les universités québécoises. Plus les frais de scolarité augmentent, plus les universités peuvent accueillir d’étudiants, la droite est donc croissante. Les chiffres qui suivent sont fictifs. Sans l’intervention gouvernementale, disons qu’une année universitaire couterait 8000 $ et qu’à ce prix 5000 étudiants fréquenteraient les universités et obtiendraient un diplôme. Le marché de l’emploi pourra, à la fin des études de ces étudiants, assimiler cette nouvelle main-d'œuvre.
Maintenant, la droite O+S représente l’offre des universités québécoises avec l’aide gouvernementale. Grâce à cette aide, les universités peuvent offrir 20 000 places au prix de 2500 $. C’est ce qui est actuellement le cas au Québec. Le problème c’est que le marché de l’emploi ne peut accueillir 20 000 nouveaux diplômés chaque année, c’est beaucoup trop, il y aura donc saturation du marché. Au final, plusieurs diplômés se trouveront des emplois dans lesquels leur diplôme ne sera d’aucune utilité, tandis que d’autres ne trouveront simplement aucun emploi. C’est donc dire qu’au final, l’argent investi par le gouvernement dans l’éducation financera au bout du compte, son propre chômage structurel. C’est ce qu’on appelle une perte économique et sociale.
La hausse des frais de scolarité orchestrée par le gouvernement Charest vise donc une réduction de l’offre (déplacement vers la gauche de la droite O+S) pour assurer une meilleure éducation dans les établissements universitaires québécois tout en s’assurant que chaque diplômé puisse se trouver un emploi. La société québécoise, particulièrement les jeunes, vivent dans l’illusion que l’université est l’aboutissement naturel et normal d’un parcours académique alors qu’il n’en est rien. L’université est une institution d’éducation supérieure, pour former des gens qui occuperont des emplois indispensables au fonctionnement d’une société. Des enseignants, des médecins, des avocats, des économistes, des ingénieurs et d’autres. Ces emplois nécessitent les meilleurs effectifs de la société et seront, au final, récompensés par de bons salaires. Ceci dit, plus une université diplôme d’étudiants, moins le diplôme en soi vaut quelque chose et on observe une chute des salaires. Et si les salaires sont bas, personne ne voudra occuper ces postes qui demandent un sacrifice humain, et iront exercer ailleurs, ou simplement changeront de branche. Un tel exode des cerveaux résultant d’une mauvaise allocation des ressources de la part du gouvernement est néfaste pour une société et s’en suit une perte sociale imminente.
C’est donc pourquoi je crois que la hausse des frais de scolarité est une bonne chose à long terme pour le bienêtre de la société québécoise. Et même si le gouvernement Charest à plus de torts que la majorité de nos dernières administrations, je dois saluer l’audace dont il a fait preuve en allant de l’avant avec une telle mesure. Il sait très bien qu’il ne se fera pas élire aux prochaines élections, je crois même honnêtement qu’il ne se représentera pas, et il a donc effectué un geste impopulaire politiquement, mais qui était vitale pour le bon fonctionnement et l’avenir du Québec. Trop souvent le marché politique et le marché économique sont diamétralement opposés. Peut-être que d’ici une quinzaine d’années je ne serais pas le seul à saluer un tel geste.

5 commentaires:

  1. Jeremy. Ton analyse est fort intéressante; j’aime bien ton graphique. Un seul détail, l’élasticité. La demande est plutôt inélastique. L’offre aussi selon moi, du moins à court et moyen terme. Enfin, ça ne change pas grand-chose à ton analyse, mis à part les variations au niveau des quantités qui sont beaucoup moindres par rapport aux hausses des frais, peu importe les chiffres.

    Qu’est-ce qui explique cela? Je t’invite à lire un article de David Descôteaux sur la question ( http://descoteaux.argent.canoe.ca/finances-publiques/droits-de-scolarite-aidons-ceux-qui-en-ont-besoin/ ). Grosso modo, il avance quelques faits :
    • Le gouvernement a gelé les frais de scolarité entre 1995 et 2007. L’inflation a augmenté d’environ 19% pendant cette période.
    • Un étudiant universitaire québécois paye en moyenne deux fois moins cher ses droits de scolarité que ses collègues du reste du Canada.
    • Malgré les droits les plus bas, le Québec affiche un taux de participation aux études universitaires semblable à la moyenne canadienne. Il est donc FAUX de croire que hausser les droits de scolarité réduit l’accessibilité aux études supérieures.
    • Deux étudiants universitaires sur trois viennent de familles aisées. Le gel des droits de scolarité est donc en grande partie un cadeau que l’on fait aux mieux nantis; de là ma prétention que la demande est plutôt inélastique.

    Le système donne des privilèges aux riches. Ceux-ci peuvent payer, mais les frais sont gelés!

    Une hausse est inévitable et souhaitable. Les universités québécoises ont besoin de 600 millions de $ par an pour bien fonctionner et être concurrentielles. Il faut attirer les meilleurs professeurs et pour ce faire, il faut les payer. La pensée magique de l’éducation gratuite pour tout le monde est impossible à réaliser à mon avis.

    En même temps, il faut que les universités réalisent qu’elles ne peuvent pas gaspiller des sommes titanesques n’importe comment. L’exemple de l’îlot voyageur est probant. Les imbéciles de l’UQAM qui sont responsables de ce fiasco, n’avaient tout simplement pas les qualités de gestionnaire requises pour un tel projet (universitaire?!?).

    Certains pensent que le salaire des gradués augmentent avec le temps sur le marché du travail, simplement parce qu’il y en a moins (à cause de la hausse des frais de scolarité). Les salaires élevés attirent les jeunes vers l’université car la perspective de payer plus cher l’université est compensée largement par une hausse des salaires des diplômés. La demande augmente et une boucle s’enchaîne (diminution des salaires, diminution de la demande, augmentation des salaires, la demande augmente, les salaires vont diminuer…etc.). D’où l’inefficacité d’une hausse des frais.

    L’erreur ici est de ne pas tenir compte de l’inélasticité de la demande. Comme je l’ai dit plus haut; une forte hausse occasionne une faible baisse de la fréquentation. Il n’y a donc pas de diminution marquée de diplômés sur le marché du travail et donc pas de forte hausse des salaires des gradués.
    Nonobstant tout ce qui précède, je trouve les hausses proposées un peu sauvages. Pourquoi ne pas avoir augmenté les frais de scolarité en proportion de l’inflation depuis 35 ans? Par manque de vision, par incompétence ou tout simplement par manque de courage de nos dirigeants? Un fait demeure : il faut faire quelque chose!

    Une solution proposée par Jean-François Lisée (http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/frais-de-scolarite-une-nouvelle-approche-payante-pour-l%E2%80%99etudiant-l%E2%80%99immigrant-l%E2%80%99etat-et-la-societe/2147/ ) ne manque pas d’intérêt. Il propose pour nos étudiants et les 25000 étudiants étranger (par an), la création de trois filières d’études supérieures : (1) la filière solidarité (2) la filière « coûts réels » (3) la filière Contrat citoyen. Je te laisse le soin d’aller y jeter un coup d’œil.

    Bonne lecture.

    Luc Dragon

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  2. Excellente analyse! Ton commentaire complète à merveille ce que j'essayais de te démontrer. Justement lorsque je créait le graphique l'élasticité à commencer à me tarabiscoter... mais par soucis de vulgarisation et du au fait que je maîtrisais moins cette aspect du problème je l'ai laissé de côté. Merci énormément d'avoir éclairer cette voie! Dans tout les cas j'espère que l'entrée est assez vulgarisé pour que certain puisse comprendre l'autre côté de la médaille qui est trop souvent oublier. L'économie ne sert pas que les méchants capitalistes qui se remplissent les poches avec nos taxes... il s'agit d'une bonne allocation des ressources pour diminuer une perte sociale engendrer par ce qu'on croyait à la base bon pour la société (Subvention de l'éducation et gel des frais de scolarité). Je lis ces articles et je te reviens la-dessus!

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  3. Je n'embarquerai pas dans un débat dans lequel nous ne serons jamais d'accord, mais un côté m'aguiche énormément et je souhaite connaître ton avis la dessus.

    Notre système universitaire découle du système français qui lui découle du système allemand suite au réforme de la fin du 19e siècle et du début du 20e.
    Le système allemand amène a une notion d'apprentissage citoyen au même titre que d'apprentissage professionel. La recherche de connaissance était donc traditionellement prisé par nos institution et aller à l'école n'était pas uniquement dans le but d'occuper un emploi plus tard.
    Qu'en est t'il de cette fonction aujourd'hui? Innexistante? Secondaire? Improductive? L'économie a t'elle pris toute la place au point d'en oublier les autres facettes?

    Vincent

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  4. Jérémy.

    Tu me redonnes espoir. Tous les jeunes ne sont pas nécessairement idéalistes et rêveurs et supposent que n'importe qui sauf eux devraient payer leur éducation.

    Ceci dit, la hausse des frais devraient être modulée en fonction du programme. C'est beaucoup plus coûteux former un vétérinaire qu'un sociologue.

    Une fille qui a étudié à OttawaU, à 4000$ la session, et qui s'est organisée pour ne pas passer sa vie à l'école.

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  5. devrait...devrait...

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