jeudi 7 avril 2011

Le Mauvais Western

Le Signal de Ron Carlson est une fiction racontant l’ultime randonnée d’un couple qui en est à ses derniers miles. Se découpant en 6 jours d’excursion, Carlson dévoilera au compte goutte le passé de son personnage principal, Mack, de son enfance à la rencontre de sa femme jusqu’à sa déchéance complète dans l’alcool et le crime. Cette dernière randonnée est à la fois une occasion de clore un chapitre de leur vie commune, mais aussi une occasion pour Mack de faire un coup d’argent pour sauver le ranch familial, le tout guidé par le simple signal de son Blackberry.

Bien que la prémisse laisse présager un drame mettant en scène plusieurs tensions insoutenables, c’est plutôt l'habilité qu’a Carlson de décrire ce Wyoming, qui vous transporte le roman durant... et rien d’autre. Car pour le suspense insoutenable, on repassera. La relation qu’entretien Mack avec son ex est intéressante, les tensions palpables, les souvenirs omniprésents.


" À l’aube, la voûte du ciel montagneux passa du gris au doré en une minute, comme un voile gonflé par le vent, et quand Mack leva la tête à l’instant où les premières flammes montaient du tas de petit bois qu’il avait disposé, un vertige lui voila les yeux comme un nuage. "



Mais Carlson trébuche lorsqu’on transige tranquillement de cet amour perdu vers un thriller mettant en vedette des bandits de bas niveau et des braconniers qu’on veut sans foi, ni loi. Dès cet instant, le roman bascule vers un mauvais western, et ce, jusqu’aux dernières pages. Les chasses à l’homme en forêt ne sont pas peu crédibles, mais peu senties. Pour ce genre de suspense, on lit beaucoup plus Cormac McCarthy (Blood Meridian, No Country for an Old Man). Les quelques scènes inquiétantes du récit sont rapidement oubliées lorsque l’auteur essaie mettre en scène une histoire peu éloquente de trafic de drogue, qu’on a lue cent fois.

Je m’attendais peut-être à trop, ou simplement pas à ça. Au final, j’ai découvert un Wyoming comme je ne l’avais jamais lu et ce fut grandement apprécié, mais ce bouquin se termine en queue de poisson et vous m’en voyez un peu déçu. Ceci dit la collection Nature Wrtiting des éditions Gaillmeister (Sukkwan Island) me surprend encore un fois en dénichant un auteur qui décrit l’état sauvage d’une verve plus que notable. Le Signal vous fera passer un bon moment en forêt avant de vous laisser sur votre faim.

Extrait:
" Ils gravirent l’escarpement sur près d’un kilomètre jusqu’à une plaine désertique entourée d’un cirque rocheux qui, comme tous les autres le long de la crête, aurait pu s’appeler le Trône. Le torrent souterrain glougloutait toujours sur la pierre, comme le bruit étouffé d’une conversation. Ils pouvaient apercevoir le glacier tout au fond de la plaine et, après qu’ils eurent monté encore quelques mètres, l’immensité bleue de Spearpoint Lake apparut comme un secret d’initié, comme s’il avait essayé de se cacher. Le monde entier désormais n’était plus que ciel, roche et eau. "


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire