mercredi 30 mars 2011

Le Fils


Le Goncourt du premier roman 2011 n’aura pas été volé. L’autofiction de Michel Rostain sur le deuil de son fils est d’une puissance ludique et innocente, qui est non sans rappeler Où on va papa? de Jean-Louis Fournier. Rostain a perdu son fils en 2003 lorsque ce dernier fut frappé par une méningite fulminante, du jour au lendemain un père redevient simple mari.

"Un père qui hérite de son fils, ce sont des enchainements de mots inconcevables. Désordres du temps."

Le Fils de Rostain ne réinvente pas la littérature, mais évoque les jours, les semaines et les mois suivants la mort d’un proche, qui nos transporte dans des endroits d’une profondeur inconnue de l’âme humaine. Cette petite plaquette de 173 pages se divise en six chapitres qui relatent des épisodes à moyen et long terme du deuil que parcourra Rostain.

"Seuls ceux qui ont perdu un enfant peuvent déguster pleinement la douleur du chemin de croix qu’on suivait jadis dans les églises."



Relatant d’abord les derniers moments avec son fils et l’incroyable scénario que fut cette mort expéditive, le lecteur vivra aussi des moments essentiels, mais qui paraissent d’un ridicule comme l’achat d’un cercueil ou encore les préparatifs pour la cérémonie, alors que la dernière partie du roman est consacrée à plusieurs coïncidences qu’on a peine à croire ayant comme fil conducteur un périple en Islande sur le sommet du désormais célèbre Eyjafjallajökull. L’une des forces du roman est sans équivoque le narrateur du récit, car le lecteur suivra le défunt qui relate le deuil de ses parents, plus pertinemment son père.

"Syllogisme : Papa pleure chaque fois qu’il pense à moi. Papa n’est heureux que lorsqu’il pense à moi. Papa est donc heureux chaque fois qu’il pleure."

Au final, Le Fils est ce que j’appelle une tablette efficace. Vous savez ce genre de roman qui à l’intérieur de quelques pages vous fait vivre une montagne russe d’émotions, tant chaque mot et chaque phrase sont essentiels au récit. Un témoignage empreint de peine, de joie, d’espoir et surtout de talent. Rostain signe ici un premier roman qui, on l’espère, fera suite à d’autres œuvres de grand calibre.


Extrait : 
"Si vous me demandez comment je vais comment pourrais-je vous répondre? Si je disais que je ne vais pas bien, ce serait lancer un appel au secours. Donc, je ne vais pas mal, je ne suis pas faible, non je ne suis pas incapable de travailler. Mais je vous dois la vérité, je ne peux pas dire que je vais bien : ça ne va pas bien du tout. C’est donc à la fois plus simple et pire. Je ne vais pas mal et je ne vais pas bien. Une autre fois j’essaierai de vous parler de ce deuil plus complètement. Pas aujourd’hui.
Lundi dernier, quand il a repris le travail, papa à parler en ces mots à l’équipe du théâtre."

Le Fils de Michel Rostain, Oh! Éditions, 173 pages.

3 commentaires:

  1. Tu ne trouves pas que ça sonne comme "Où on va papa?", autant dans le fond que dans la forme?

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  2. Relit mon premier paragraphe... je pense que je le mentionne dès le départ ;) Mais Où on va papa? était plus dur selon moi... Moins moral... une réalité très tabou.... alors que Le Fils... c'est, comme il le dit si bien, un désordre du temps.

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  3. Haha! Effectivement! J'ai même relu rapido en me disant, il doit avoir fait le lien! :)

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